Victor Charles Galissard (1880-1957) : une vie d'engagement au service de la communauté

Publié le 26 Octobre 2023

Le 9 mars 1880, à 17h30, Victor Charles Galissard naît au domicile de ses parents, rue Herbeuse à Fécamp. Ses parents sont Victor François Galissard, capitaine de navire de 35 ans, et Virginie Amour, âgée de 33 ans. 

Né dans une famille ancrée dans le monde maritime, Victor a grandi entouré de contes de marins et de héros de la mer. Son grand-père, Charles Victor Galissard (1825-1880), dont j'ai parlé sur ce blog, un pilote et sauveteur en mer reconnu et décoré de la Légion d'Honneur, décède malheureusement peu de temps après sa naissance, laissant un héritage de courage et de dévouement.

1. Son enfance

Durant son enfance, le jeune Victor, qui est l'aîné, habitait rue Herbeuse à Fécamp avec ses parents, sa sœur Madeleine, et plus tard avec ses sœurs jumelles Alice et Jeanne, et la plus jeune, Suzanne. Comme c'est souvent le cas, la famille avait une domestique à son service. Dans le recensement de 1881, il s'agit d'Augustine Haubert et dans celui de 1891, de Hélène Dupont, 15 ans.

En 1882, sa sœur Madeleine décède, âgée de seulement 4 mois. La tragédie frappe à nouveau la famille lorsque son père, Victor François, disparaît en mer en 1891, une perte qui le marquera certainement profondément. L'absence de corps rends compliqué le processus de deuil. La cérémonie officielle d'inhumation ne sera célébrée qu'un an plus tard, le 24 décembre 1892, en l'église Saint-Étienne de Fécamp.  

2. Une vie familiale plutôt tranquille

En 1904, il épouse Marie Charlotte Caumont, consolidant ainsi son statut au sein de la communauté locale. Les témoins sont Auguste Legay, un menuisier, ami du couple ; Louis Caumont, un tonnelier, oncle paternel de la mariée ; Pierre Galissard, pilote, oncle du marié ; et Arthur Galissard, un comptable, cousin du marié.

Victor pourra d'ailleurs se consacrer pleinement à sa famille, car il est dispensé de service militaire actif étant "fils unique de veuve". En effet, sa mère, Virginie, qui ne s'est pas remariée, ne décèdera qu'en 1929, à 83 ans.

Avec Marie Charlotte, Victor n'aura qu'un fils, René Victor Michel, en 1906, qui épousera à Rouen, en 1930, Andrée Maître Jean (1910-2005). Son petit-fils, Jacques, naît l'année suivante à Mont-Saint-Aignan, suivi par Michel en 1950. Je n'ai pas connaissance d'autres petits-enfants. Jacques, alors très jeune, aura lui-même une fille, Josette, en 1949, l'arrière-petite-fille de Victor. Michel semble lui aussi n'avoir eu qu'une fille, Lydia, en 1972. 

Marie Charlotte n'aura malheureusement pas l'occasion de se rendre au mariage de son fils René, car elle décède peu avant, le 2 mai 1930, à seulement 51 ans. Victor se remarie très vite, dès le mois de novembre 1930, avec Yvonne Alice Leber, la fille d'un menuisier, âgée de 35 ans, et qui lui survivra. Le couple n'aura pas d'enfants. 

Concernant les logements de la famille de Victor Galissard, entre son mariage et son décès, j'en ai une idée assez précise. A la naissance de son fils René, Victor et son épouse demeurent au 72 rue Herbeuse. Ils déménagent en février 1911 pour un logement situé au n°73 rue Georges Cuvier, puis ensuite, en août 1912, Villa Bel Air, 24 rue de Saint-Léonard. Logement dont Victor est propriétaire. Il s'agit toujours de son domicile lors de son remariage en novembre 1930 et il y restera avec sa seconde épouse jusqu'à son décès en 1957.

3. Ses engagements publics et personnels

Avec le temps, Victor Galissard est devenu un homme de principes et d'action. Les années qui suivent son mariage sont marquées par son implication croissante dans la société la Fraternelle des ouvriers de Fécamp. Il est récompensé officiellement par la République pour services rendus à la mutualité, en tant que caissier adjoint de la société en 1911, et en tant qu'administrateur en 1932. En 1929, il obtient également la médaille d’or d’honneur de l’éducation physique.

Je sais qu'il assiste en 1927 à une réunion publique du Parti radical socialiste de Fécamp avec des personnalités politiques nationales, notamment Grandigneaux, suppléant du sénateur Emile Lisbonne, qui sera par la suite ministre de la Santé Public durant un mois du 26 octobre au 26 novembre 1933, et Bauzin (sans doute Lucien Bauzin, membre du Conseil d'état qui fut de 1930 à 1932 le vice-président du Parti républicain radical socialiste).

Le 28 juin 1934, le sous-préfet René Bouffet, informe le maire de Fécamp de la nomination de Victor Charles comme vice-consul du Danemark à Fécamp. Nomination confirmée au Journal officiel du 15 juillet 1934. Il ne s'agit pas que d'une nomination honorifique, car Victor maîtrisait la langue danoise.

Depuis avril 1912, il est également conseiller prud’homal, en tant que patron. Il obtient le 21 octobre 1935, le diplôme d'honneur des conseils de prud'hommes.

Enfin, en 1936, il obtient la médaille d'honneur en bronze de la prévoyance sociale en tant que vice-président de la Société anonyme des habitations à bon marché de Fécamp.

Toutefois, la période de l'Occupation nazie met Victor à l'épreuve. En raison de son appartenance à la loge maçonnique de la Triple Unité, dont il fût vénérable en 1920-1921, puis de 1923 à 1930, il est contraint de démissionner de plusieurs postes officiels.

En septembre 1941, le régime de Pétain organise le recensement de l'ensemble des fonctionnaires appartenant ou ayant appartenu à une société secrète. Victor y est inscrit en tant que membre de la loge la Triple Unité de Fécamp. René Louis Julien Gallais, instituteur à Fécamp, habitant rue Roquigny, est aussi placé sur la liste pour avoir été secrétaire de la Triple Unité en 1921.

Grâce au Journal Officiel, j'apprends que Victor était juge de paix suppléant de Fécamp, car en juin 1942 il est déclaré démissionnaire d'office de cette fonction. Puis, en octobre de la même, il est déclaré conseiller municipal démissionnaire, du fait de son appartenance à une société secrète. L'ordre est signé par Georges Hilaire, secrétaire général pour l'administration depuis avril 1942. Enfin, en novembre, le préfet de Seine-Inférieure averti le maire de Fécamp, Gustave Couturier, que les sieurs René Gallais et Victor sont démis de leurs fonctions d'administrateurs de l'hôpital-hospice de la ville.

Cependant, à la Libération, il est réintégré dans ses fonctions. Il continue de servir sa ville en tant que conseiller municipal, élu en 1945, puis en 1947 sur la liste d'Union républicaine socialiste présidée par Gustave Couturier.

4. Sa vie professionnelle

Victor est mentionné comme courtier maritime dès 1900. Je sais qu'au moins entre 1922 et 1936, son office de courtier se situe au 26, Quai Sadi Carnot a Fécamp. Au moment de son mariage, il est dit comptable, ce qui ne signifie pas qu'il soit sorti un temps du courtage.

Je n'ai pas beaucoup d'information sur son activité, si ce n'est quelques mentions dans la presse :

  • Vente, le samedi 11 février 1922, à 14h30, en son Office, 26, quai Sadi Carnot, du chalutier à vapeur Commandant-Roquigny, jaugeant brut 754 tonneaux, aménagé spécialement pour les pêches à Terre-Neuve et Islande. Mise à prix 200 000 fr (soit environ 240 000 €, compte tenu de l'érosion monétaire due à l'inflation)
  • Vente publique et volontaire, en son Office, le samedi 10 novembre 1923, à 2h30 de l'après-midi, du trois-mâts goélette Saint-Simon, spécialement construit en 1899 pour la pêche à la morue à Terre-Neuve. Portée 550 tonnes environ. Navire en bois doublé en cuivre en 1922. Vente avec inventaire de navigation et de retour de pêche. Mise prix 115 000 francs (soit environ 130 000 €, compte tenu de l'érosion monétaire due à l'inflation).
  • Vente volontaire, le lundi 14 septembre 1936, à 15h, en son Office, adjudication volontaire, aux enchères publiques, du chalutier-drifter Epagneul, actuellement désarmé dans le port de Fécamp. Construit en fer à Selby (Angleterre) en 1901, chaudière de 1908. Longueur 33 m 61, largeur 6 m 56, creux 3 m 41. Mise à prix, 20 000 fr (soit environ 16 000 € compte tenu de l'érosion monétaire due à l'inflation). Faculté pour l’acquéreur de reprendre le matériel de pêche.

 

5. Son décès et sa succession

Victor Galissard était également un homme d'affaires avisé. À son décès en 1957, il laisse derrière lui plusieurs propriétés à Fécamp et dans les environs, témoignant de sa réussite financière. L'ensemble de son patrimoine immobilier est évalué à 13 300 000 francs (soit environ 300 000 € compte tenu de l'érosion monétaire due à l'inflation).

Avec une stature châtain aux yeux du même ton et une hauteur de 1m70, Victor avait un air distingué. Plus que son apparence, c'était son dévouement envers sa ville et sa communauté qui le distinguait. Sa vie, ponctuée de tragédies personnelles, de service public, d'appartenances maçonniques et de distinctions, fait de lui une figure emblématique de Fécamp et de la Normandie du XXe siècle.

Rédigé par Simon Levacher

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