D comme Département (#ChallengeAZ 2019)

Publié le 5 Novembre 2019

Je tiens tout d'abord à m'excuser pour le retard avec lequel je publie cette lettre D du ChallengeAZ. Le principe est de publier une lettre par jour (sauf le dimanche) et me voici déjà obligé de faire une publication rétroactive (en effet, la date sera respectée, afin de conserver l'ordre alphabétique sur mon blog).

Ce quatrième volet va être consacré aux départements. Depuis la Révolution française, le département fait parti du paysage français et beaucoup de citoyens y sont attachés, tout comme leur région. La réforme territoriale de 2015 a fait passer le nombre des régions à 18, en comptant celles d'Outre-mer.

Dans la première moitié du XIXe, la société est régie par des règles de plus en plus précises qu'il convient de respecter. L'État devient celui qui organise la société selon une conception hiérarchique qui allie les anciennes traditions monarchiques et les idées nouvelles, apparues avec la Révolution, comme la départementalisation ou la création des préfectures. L'espace dans lequel les individus évoluent a une incidence sur les rapports sociaux.

Etant Normand d'origine, l'histoire de la réforme territoriale à la fin des années 1780 en est d'autant plus marquante. C'est le 29 septembre 1789 que Jacques Guillaume Thouret (1746-1794), député de Rouen, avocat au Parlement, spécialiste de la coutume, présente un projet de réorganisation administrative du territoire.

Jacques Guillaume THOURET (source : Gallica)

 

Thouret remet en cause le terme de "province", devenu vide de sens selon lui. Le nouveau système prévoit quatre-vingt-trois départements, chacun d'eux étant divisé en neufs communes, chacune d'elle comptant neuf cantons. Le terme de commune est finalement remplacé par celui de district. Le 22 décembre, le décret d'application est promulgué.

Au final, la province de Normandie se trouve découpée en cinq départements : la Manche, le Calvados, l’Orne, l’Eure et la Seine-Inférieure (aujourd'hui Seine-Maritime). Les commissaires de la province, Cherfils, Lindet, Goupil de Perefeln, de Launay et de Bonvouloir, présentent un projet de dix-neuf pages le 7 janvier 1790. Afin de réaliser leur découpage définitif le mieux possible, Cherfils et Lindet se sont appuyés sur les cartes de Cassini (bien connues des généalogistes). Le 4 mars, la division de la Seine-Inférieure est définitive. Le département compte sept districts : Rouen, Caudebec, Montivilliers, Cany, Dieppe, Neufchâtel et Gournay.

1B102 - Division de la Seine-Inférieure en sept districts (source : Archives municipales de Fécamp)

Au final, la réforme de réorganisation du territoire est inscrite dans la Constitution de 1791 dans laquelle il est stipulée que « le royaume est un et indivisible : son territoire est distribué entre quatre-vingt-trois départements, chaque département en districts, chaque district en cantons. » Aujourd'hui, le district, important dans les années 1790, n'existe plus.

L'historien Michel Biard montre également que, sur le moment :

les nouveaux découpages territoriaux conçu par l’assemblée constituante (départements, districts, cantons et communes) n’étaient pas liés à une véritable volonté « décentralisatrice », mais que l’objectif était de rationaliser les subdivisions administratives et de remplacer « l’esprit de province » par l’unité nationale.

BIARD Michel, « Quelle ‘‘centralisation jacobine’’ ? », dans BIARD Michel (dir.), La révolution française. Une histoire toujours vivante, Paris, Tallandier, 2010, p. 55-56.

Dans les faits, la communication entre l’administration du département, celle du district et celle du canton est rendue difficile par l’absence d’une autorité intermédiaire avec Paris. Certes, il existe des procureurs généraux syndics, mais ils ne possèdent pas de véritable pouvoir de décision. Pour Paris, le problème c’est qu’ils sont élus par des notables et leur opinion est souvent déterminante dans les prises de décisions. Dès lors, les relations avec le pouvoir central risquent de devenir conflictuelles, notamment concernant l’application des décisions.

En mars 1791, le constituant Démeunier monte à tribune pour dénoncer directement cette situation d’instabilité politique. Quelques années plus tard, avec le décret du 10 brumaire an II (31 octobre 1793), la Convention nationale décide de remplacer les dénominations de « ville », « bourg » et « village » par l'appellation unique de « commune ». L’application de cette mesure ne fut pas immédiate. En Seine-Inférieure, l'agent national du district de Montivilliers a rappellé à l'ordre plusieurs municipalités, dont celle de Fécamp, chef-lieu de canton. 

L'historien Francis Démier montre qu'au XIXe siècle Guizot insiste déjà sur l'importance des cantons et la possibilité d'y consolider une élite locale. L'assise locale d'un homme politique compte beaucoup dans le jugement qu'il peut en être fait. Ainsi, il a été beaucoup reproché au Président de la République Emmanuel Macron, outre ses phrases à l'encontre des petites gens, de méconnaître les Français par le fait qu'il n'a jamais été élu localement. Depuis, si le découpage territorial a été réformé plusieurs fois, la structure administrative de la France est restée, dans l'esprit, la même depuis la réforme initiale de 1789.

Les images d'illustration de ce challenge sont tirées du site Gallica, d'un abécédaire intitulé "A.B.C. des enfants studieux" (voir ici).

Rédigé par Simon Levacher

Publié dans #côté maternel, #côté paternel, #histoire régionale

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