Le torpillage du Gallia le 4 octobre 1916
Publié le 20 Octobre 2018
Cette tragédie maritime de la Grande Guerre a causé la mort d'au moins 1 700 soldats, dont Victor Eugène Quesnel, cousin de mon ancêtre Jules Quesnel.
Alors que les commémorations officielles de la Grande Guerre se terminent, je voulais revenir sur une telle tragédie, car la guerre sous-marine est un élément important de la Grande Guerre (le drame du "Lusitania" est souvent mentionné pour l'illustrer).
Dans cet article, je vais revenir rapidement sur Victor Eugène Quesnel, puis sur son parcours militaire avant et pendant la Grande Guerre et enfin sur le Gallia et sur la tragédie en elle-même. Sur ce dernier point, je résumerais car il est facile de trouver des informations sur Internet (je mettrais des liens à ce moment-là de l'article).
1. Victor Eugène Quesnel (1873-1916).
Je l'ai abordé rapidement dans mon article sur mes ancêtres et la Grande Guerre, deuxième partie. Victor Eugène est né le 25 septembre 1873 à Fécamp, rue Queue de Renard, de Frédéric Léon, un fileur de 42 ans, et Rose Zuline Hamel, âgée de 34 ans. Ils sont mariés depuis déjà 13 ans.
Lieu de naissance de Victor Eugène QUENEL, rue Queue-de-Renard. Carte état-major 1820-1866 (Géoportail, 07.10.2018)
Avant Victor, il y a déjà 7 enfants : Rose Zuline, née en 1861 ; Léon Albert, né en 1863 ; Hortense Rose, née en 1865 ; Jules Edgard, né en 1867 ; Berthe Charlotte, née en 1868 ; Gustave Henry, né en 1870 et mort dès 1871 ; Émilienne Florentine, née en 1871.
Après Victor, il y aura encore 5 enfants : Ernestine Marie, née en 1875 et morte 6 jours plus tard ; Adèle Albertine, née en 1876 ; Ernest Albert, né en 1879, mort à la guerre en 1915 ; Charles François, né en 1881, mort à la guerre en 1915 ; Albert Henri, né en 1884, mort dès 1886.
Bref, une famille nombreuse de 13 enfants, dont 11 ont atteint l'âge adulte.
Concernant le reste de la famille, Victor a perdu son grand-père paternel Léon en 1875 (il avait 66 ans), puis sa grand-mère paternelle, Rose Armante Gréverie en 1881 (elle avait 74 ans).
Lorsqu'il naît, outre ses frères et sœurs aînés, Victor a sept oncles et tantes vivants. Il n'a pourtant qu'un cousin vivant : Eugène Jules, né en 1869, fils de mon ancêtre Jules Quesnel. En effet, s'il y a bien eu des naissances, il y a eu aussi beaucoup d'enfants morts-nés ou morts rapidement.
Au moment de la déclaration de guerre, en 1914, la famille s'est agrandit. Victor a 20 neveux et nièces vivants, enfants de ses frères Léon et Jules et de sa sœur Adèle. Sa nièce Alice est même déjà mariée avec un fileur de Toussaint, Auguste Leroy. Ils ont un fils, Auguste, qui naît deux jours avant la déclaration de guerre, le 1er août 1914.
2. Le parcours militaire de Victor Eugène.
Sur sa fiche matricule, Victor Eugène est mentionné comme étant journalier. Il était châtain aux yeux bleus. Il mesurait 1m60. Son niveau d'instruction n'est que de "2", ce qui signifie qu'il sait uniquement lire et écrire.
Il commence son service militaire en septembre 1894, comme soldat de 2e classe dans le 129e régiment d'infanterie. Il devient clairon et passe par l’École normale de gymnastique durant son service. Il termine son service actif en 1897.
Pendant la guerre, il est toujours clairon, affecté au 24e régiment d’infanterie territoriale, puis au 21e et enfin au 55e régiment d'infanterie territoriale.
Les premiers mois de la guerre, Victor Eugène les passe à l'arrière, au Havre. Outre l'instruction militaire, les missions du régiment sont l'aménagement et le maintien de l'ordre dans la ville. Alors que le régiment s'apprête à rejoindre le front de la Somme (avec mon aïeul Louis Pascal Levacher), Victor Eugène est déplacé dans le 21e régiment d'infanterie territoriale le 29 juin 1915.
Ce régiment va cantonner dans les tranchées du secteur d'Hébuterne jusqu'au 18 juillet 1915. Un village qui possède un château dans lequel les troupes françaises s'installent.
Par la suite, les soldats sont envoyés en Champagne, dans les secteurs de Beauséjour et de Mesnil-lès-Hurlus. Ce sont certainement les combats les plus violents auxquels Victor Eugène participe. Il reste plusieurs mois en première ligne. Le 25 septembre 1915, le régiment attaque dans le secteur de La Courtine, avant d'être stoppé. L'offensive a pour but de retenir les Allemands à La Courtine afin de permettre aux troupes d'assaut de prendre les tranchées du Trapèze et des Mamelles (ce qui est fait). Le régiment va essuyer par la suite de nombreuses contre-attaques allemandes. Lorsqu'il est relevé le 5 novembre, il a perdu 487 hommes (soldats de rang et officiers).
La tranchée du Trapèze sur la ferme Beauséjour prise aux Allemands le 25 septembre 1915 (source : Geneanet, postée par Jean-Paul Rolland)).
Le régiment est envoyé dans le secteur de Perthes-Tahure pour organiser les positions conquises. Une sorte de repos avant de rejoindre un front bien plus meurtrier : Verdun. A peine arrivé, les hommes du 21e sont confrontés à l'offensive allemande du 23 juin 1916. Le général Méric donne l'ordre au régiment de tenir l'ouvrage de Froideterre quoi qu'il arrive.
Commandant Tournoux, "Cours de fortification : la fortification permanente pendant la guerre de 1914-1918", École d'application du génie, 1927 (source : Gallica)
Par la suite, les hommes du 21e, à partir de juillet, sont chargés de la transmission des courriers, avant d'être affectés à des travaux, dans les secteurs de Belleville, Fleury et Douaumont. Le régiment est réduit à deux bataillons début septembre 1916.
3. Le torpillage du "Gallia" le 4 octobre 1916.
Victor Eugène est finalement déplacé dans le 55e régiment d'infanterie territoriale le 23 septembre 1916. Il embarque sur le "Gallia". Il est très facile de trouver des témoignages de ce torpillage, notamment sur un excellent site : www.chtimiste.com.
Je tendis la tête au-dessus du bord et je vis que le navire commençait à s'enfoncer et à 4 ou 5 mètres de nous où nous avions passé, une chose noire qui sortait de l'eau, c'était le sous-ma...
http://www.chtimiste.com/batailles1418/combats/Gallia/gallia.htm
Le "Gallia" est un paquebot français de la Compagnie de navigation Sud-Atlantique, inauguré le 26 mars 1913 à la Seyne-sur-Mer (dans le Var). Il réalise son voyage inaugural en novembre 1913, en partance de Bordeaux pour Rio de la Plata en Argentine.
Le "Gallia" part de Toulon le 3 octobre 1916 en fin de journée. Le 4, vers 17h30, le navire n'existe plus. Il a été torpillé par le sous-marin U-35, commandé par le capitaine-lieutenant Lothar von Arnauld de La Perière (1886-1941).
Carte du torpillage du Gallia le 4 octobre 1916, carte réalisée par Simon Levacher (source : Géoportail, fond de carte IGN récent).
L'officier allemand compte déjà à son actif le torpillage du transport de troupes "La Provence II" le 26 février 1916, qui a fait 900 morts.
Le transatlantique "Le Provence", lancé en 1906, sorti des chantiers de Saint-Nazaire, appartenant à la Compagnie générale transatlantique (source : Wikipédia)
Sur les 2 300 soldats et hommes d'équipage, seuls 600 seront repêchés par le croiseur cuirassé "Châteaurenault".
Victor Eugène disparaît avec le navire, comme le mentionne sa fiche sur le site "Mémoires des hommes".
La presse s'est rapidement emparée de la tragédie, en donnant, évidemment la version officielle. Les chiffres des victimes sont inversés. Ainsi Le Journal du 10 octobre 1916, donne 1 362 sauvés, ce qui est faux.
Il existe des photographies des survivants, comme celle-ci, qui illustre un article de France 24 consacré à la tragédie.
© Europeana1914-1918/ Collection de Claire de Bengy Puyvallée | Des rescapés du torpillage du Gallia prennent la pause. (source : France 24, article du 10 octobre 2016)
Le journal L'Illustration du 28 octobre 1916, donne même des images du sauvetage.
Canot du "Châteaurenault" chargé de rescapés du "Gallia" (source : L'Illustration, 28 octobre 1916, d'après article des AD du Cher, http://www.archives18.fr/article.php?laref=815).
Plus terrible encore, cette lettre, mise à disposition par les AD du Cher. Les frères Fernand et Marcel Paillard, survivants du naufrage, vont combattre en Orient. La lettre est celle dans laquelle Marcel apprend à sa mère la mort de Fernand (1887-1917) à Dihovo, en Serbie, le 3 avril 1917. Marcel survivra à la guerre.
Lettre de Marcel annonçant la mort de son frère à sa mère (AD du Cher, 5 num 34)
Fernand et Marcel PAILLARD, les naufragés du Gallia - Archives départementales et patrimoine du Cher
Fernand PAILLARD est né le 5 août 1887 à Dun-sur-Auron (Cher). Avant-guerre, il exerce la profession d'employé de commerce. Mobilisé au 95e RI, il est ensuite muté au 35e RI le 23 septembre 1...