La vie chère durant la Grande Guerre

Publié le 7 Août 2018

Je réécris ici un article que j'avais publié sur un ancien blog (voir ici), que j'ai laissé en libre accès, même si je ne suis plus en phase avec tout ce que j'y écrivais (je faisais aussi beaucoup plus de fautes d'orthographes qu'aujourd'hui). Il s'agit du texte d'un exposé universitaire de 2010. En cette fin de commémoration du centenaire de la Grande Guerre, c'est un sujet qui peut intéresser les généalogistes (il a été peu abordé par les blogueurs, du moins à ma connaissance).

Introduction

La « vie chère » est un phénomène important de la Première Guerre mondiale. Plus la guerre s’intensifie, plus l’armée a besoin de matériels et de nourriture. Ces besoins provoquent à l’arrière des pénuries alimentaires et un fort mécontentement des populations civiles, en majorité parmi les femmes. Le départ des hommes sur le front à l'été 1914 entraîne aussi un manque de main d’œuvre. Les femmes se mettent à travailler dans les usines, principalement d'armement. Seulement, peu à peu, des problèmes apparaissent du fait même de l’économie de guerre. En effet, l’armée est prioritaire dans tous les domaines et consomme la grande majorité des denrées alimentaires, ainsi que le charbon. En France ou en Allemagne, un rationnement est organisé (comme ce sera le cas lors de la Seconde Guerre mondiale), mais il devient de plus en plus contraignant.

En 1917, le phénomène atteint son paroxysme. À l’arrière, la guerre commence à être contestée. Dans les pays belligérants, la cherté de la vie devient un problème. Les femmes sont à la fois celles qui travaillent et celles qui nourrissent les enfants. Donc, de façon plus générale, quelles sont les conséquences de la cherté de la vie dans les pays en guerre ?

La cherté de la vie

La cherté de la vie c’est le fait, pour une population donnée, de ne pas avoir accès aux ressources vitales, c’est-à-dire la nourriture et le chauffage. Pendant la Première Guerre, cette « vie chère » se traduit par la hausse des prix. L’inflation est provoquée par les commerçants qui entreposent les ressources afin de les revendre plus cher. Cette vie chère ne se traduit pas de la même façon en France et en Allemagne. En Allemagne, la population subit le blocus imposé par les Alliés. Très contraignant, ce blocus prive le pays de charbon, de café, de riz, de pommes de terres. En France, cette « vie chère » se traduit aussi par le manque de nourriture, mais principalement dû à l’inflation et à la forte consommation de l’armée.

Une des conséquences directe de cette « vie chère », et qui ne constitue pas un problème en soi, c’est le rationnement. En France, il sera établi en fonction de l’importance des personnes. Ainsi, sont prioritaires les soldats et les travailleurs, puis les mères, les enfants et les personnes âgées. En Allemagne, le problème est plus compliqué à résoudre dans l’immédiat. Pour lutter contre le blocus, les Allemands vont remplacer la nourriture par des ersatz, c’est-à-dire des substituts, comme le topinambour, le navet, la chicorée… Les commerçants profitent de la situation pour s’enrichir en vendant plus cher ce qu’ils auraient pu vendre auparavant à un prix décent.

Le travail des femmes

Pour l'industrie, les problèmes sont multiples.

En France, ce sont les femmes qui travaillent dans les usines et elles se mettront en grève à partir de 1917. Pourquoi donc ? D’une part, à cause de la cherté de la vie, mais aussi par ce qu’elles réclament une revalorisation sociale et salariale. Elles ne peuvent plus se contenter de produits de substitutions. Survivre ne suffit pas. La répétition des grèves, le développement du marché noir et la relative médiocrité de l’hygiène, peuvent à terme bloquer l'effort de guerre. Pour l’État, cette situation n’est donc pas tenable, comme le montre une lettre du préfet de l’Isère en juin 1917. Il faut lutter contre les escrocs en distribuant ou en bradant, comme au Havre, des denrées moins chères.

En Allemagne, la famine menace la population car les ersatz ne suffisent plus. La mortalité infantile augmente. La famine ne fut pas uniquement un phénomène européen puisqu’elle toucha l’Inde (sous domination de l'Angleterre, en guerre au côté de la France).

Les problèmes économiques sont donc importants, mais ce ne sont pas les seuls. Ces problèmes provoquent des conflits internes aux états belligérants. Le mécontentement ne se résume pas à la hausse des prix, à la mort des enfants et à la famine. Il prend un tournant politique, principalement pacifiste. Les enquêtes d’opinion montrent que l’État s’inquiète, du moins en France, de l’aggravation du phénomène. Il y a donc des conséquences morales importantes. Jean-Jacques Becker montre que la moitié des Français désirait la paix au début de l’année 1917. En Allemagne, la situation est plus grave et le chancelier Hollweg doit démissionner. La guerre sous-marine est intensifiée, mais se solde finalement par un échec.

Le pacifisme – sous-jacent – et les revendications sociales sont une double menace pour la guerre et pour la stabilité des pays belligérants. Dans les deux camps, la cherté de la vie provoque certains problèmes d’ordre sociaux, moraux et politiques.

Conclusion

La « vie chère », provoqué par une économie de guerre gourmande en moyens et en nourriture, se traduit par une hausse des prix, un manque de nourriture, une hausse de l’effort de guerre et un rationnement alimentaire. Cette cherté de la vie entraîne des grèves, des famines, une montée du pacifisme et des problèmes politiques graves (notamment en Russie et en Allemagne). L’Allemagne accuse le coup économiquement et risque d’être obligé de cesser la guerre du fait de l'agitation politique. La Russie, avec la Révolution d’Octobre, n’est même plus du tout en mesure de faire la guerre. Peut-on dire que les conséquences de la « vie chère », phénomène mesuré localement et nationalement, ont permis à la France – qui subit aussi la crise – et à ses Alliés de remporter la guerre ? Disons qu'elle n'a pas craquée la première et que le renfort des Etats-Unis a été la goutte d'eau qui a fait définitivement basculer la guerre psychologique en faveur des alliés.

Rédigé par Simon Levacher

Publié dans #côté paternel, #côté maternel, #méthodologie

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