Le quotidien d'une famille au début du XXe siècle (1) : présentation du contexte et des sources

Publié le 23 Septembre 2017

Je ne vais pas parler ici de vie quotidienne au sens où nous l'entendons habituellement. Il n'y aura pas de description des repas, de la manière de s'habiller, etc. Même si ces questions sont intéressantes, je veux plutôt me plonger dans le récit des relations entre les individus. Pour ce faire, j'ai la chance de posséder une série de lettres que ce sont envoyés des membres de la famille Levacher au début du XXe siècle, principalement 1904 et 1905. Si je ne possède que ces années-là, c'est que la correspondance, sans doute abondante au vu de ce fragment, a été perdue lors de la vente de l'entreprise familiale en 1988.

Son intérêt est double, à mes yeux :

  • D'abord, elle m'éclaire sur une parcelle de la vie de famille, sur la façon dont les uns percevaient les autres, sur les personnalités dominantes, ou encore, plus rare, permet d'entrevoir le caractère des personnages. Bien sûr, la prudence demeure concernant une interprétation psychologique.
  • Ensuite, elle permet d'entrevoir la vie économique de la famille, et donc aussi locale, ainsi que les interdépendances entre les membres du clan Levacher, les amitiés et les relations de travail, les logiques matrimoniales.
L'entreprise telle qu'elle était après la Seconde Guerre mondiale (archives privées Levacher, non datée).

L'entreprise telle qu'elle était après la Seconde Guerre mondiale (archives privées Levacher, non datée).

Pour bien exposer le contexte, je vais être obligé de revenir un peu en arrière. La famille Levacher a connue une élévation sociale tout au long des XIXe et XXe siècles. Malgré des échecs, il est possible de dire que la famille était assez riche.

   

Arbre de descendance de Pierre Levacher et Rosalie Fontaine en 1904 (cliquez pour agrandir)

Arbre de descendance de Pierre Levacher et Rosalie Fontaine en 1904 (cliquez pour agrandir)

L'entreprise familiale est la continuation de la maison Tougard, fondée en 1872. Même si Pierre Modeste Levacher possédait des navires, ils ont disparus en mer en 1897. Ruiné, c'est sa sœur, Louise Berthe, qui va s'occuper de ses neveux et nièces. Louise s'est mariée en 1872 à Saint-Valery-en-Caux avec le négociant-armateur Pascal Onézime Tougard, un yportais d'origine. Le couple n'aura pas d'enfants et Pascal décède brusquement en 1898 à 49 ans. Cette même année 1898, décèdent son neveu Georges et sa nièce Clémentine. En 1899, Louise perd son frère aîné, Pierre Modeste. La même année, les 24 et 25 décembre, elle perd coup sur coup sa sœur aînée, Marine, et son beau-frère Jacques Bénard. Un drame dont je ne connais pas les causes. Bref, une période dramatique qui réduit numériquement la famille et qui explique peut-être les exigences de celle surnommée la tante Tougard envers ses neveux. Car dans la correspondance elle a un rôle important et une certaine autorité morale sur ses neveux, presque davantage que Rosalie Henriette Fontaine, veuve de Pierre Modeste dont j'ai étudié l'ascendance belge (voir ici).    

Famille de Pierre Modeste Levacher et Rosalie Henriette Fontaine (archives privées Levacher).

Famille de Pierre Modeste Levacher et Rosalie Henriette Fontaine (archives privées Levacher).

L'image que j'avais de la famille avant l'étude approfondie des lettres, est assez mauvaise. L'aîné, Georges, semble être décédé d'une cirrhose, lié à l'alcool. La tradition familiale veut que Pierre Modeste ait été un républicain, président de la caisse de secours des marins. Son fils Louis Pascal et son petit-fils Louis Joseph ont en revanche une réputation d'homme volage, enchaînant les maîtresses et menant une vie dissolue. Bref, étudier cette branche me demande un travail de prise de recul nécessaire en évitant de tomber dans deux écueils possible :

1. Celui de vouloir trop réhabiliter cette partie de la famille.

2. Celui de trop tenir compte de la mémoire familiale et d'être influencé malgré moi.

Ces deux écueils sont liés. C'est toute la difficulté de l'exercice. C'est pourquoi, je crois, il convient de soigner le contexte familial et de bien connaître la situation particulière des protagonistes avant de débuter l'étude précise de la correspondance. Cela demande aussi beaucoup plus de temps et de recherches. C'est pourquoi j'ai décidé de découper cette étude sans doute en trois articles, l'un pour 1904, l'autre pour 1905, et une conclusion avec la suite et sur l'avenir des protagonistes. 

Lettre du 28 janvier 1904 par Arthur Levacher à son frère Louis (archives privées Levacher).

Lettre du 28 janvier 1904 par Arthur Levacher à son frère Louis (archives privées Levacher).

La correspondance comprends 53 lettre. Elle commence en 1897 avec une lettre photocopiée, puis une lettre originale de 1902. Suivent 51 lettres originales (dont trois non-datées), qui vont du 28 janvier 1904 au 4 novembre 1905. Les faiblesses de cette correspondance, comme je le notais, c'est sa courte durée dans le temps. Elle est aussi principalement composée de lettres écrites par Arthur Levacher à mon ancêtre Louis Pascal (son frère). En complément, je peux m'appuyer sur l'histoire de la famille qu'a écrite Ferdinand Cardon, que j'ai déjà évoqué sur ce blog. J'ai aussi à disposition ma bibliothèque d'histoire locale dans laquelle je peux puiser pour trouver des indications sur Fécamp à la fin du XIXe siècle, notamment Cent ans de pêche à terre-neuve par Léopold Soublin et certains numéros des Annales du patrimoine de Fécamp. Une revue arrêtée en 2014 faute de financements et du fait de ventes insuffisantes. Mais il y a quelques autres ouvrages que je citerais au cours de mes recherches. 

Rédigé par Simon Levacher

Publié dans #côté paternel

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