Les origines de la famille Levacher : un ancrage dans le Pays de Caux en Seine-Maritime.

Publié le 31 Mars 2018

Actuellement en pleine rédaction de mes dossiers intermédiaires dans le cadre du D.U. Généalogie et Histoire familiale de l'université du Maine, je n'ai pas trouvé le temps de vous poster le dernier volet de ma série sur le quotidien d'une famille au début du XXe siècle. Mon dossier porte précisément sur ma famille patronymique. Je vais donc aborder ici son origine. J'ai pratiquement terminé la rédaction de cette partie, à quelques passages près, et je peux donc le publier en l'état. Je signale donc que la version définitive pourra être légèrement différente, et que le propos qui suit n'a pas encore été relu par une personne extérieure. Au moins cela vous donnera t-il une idée d'une recherche dans le cadre d'une formation qualifiante en généalogie. Je ne prétends pas du tout que ma démonstration et mes recherches sont pertinentes, d'autant qu'ici je me suis contenté des actes d'état-civil et de l'entraide généalogique, à défaut d'autres sources. 

Introduction

 

a) Quelques notions de démographie historique

Il est impossible d’aborder une histoire familiale sans quelques notions de démographie historique. Rien de compliqué, mais il me semble important d’éclairer le lecteur avant de commencer l’étude de la famille Levacher. La démographie historique s’appuie sur la description et l’étude des populations. Elle allie donc démographie et histoire. Discipline récente, apparue dans les années 1950, elle s’appuie aujourd’hui sur la méthode de reconstitution des familles. Elle permet de replacer un parcours individuel ou une famille dans un contexte plus large.

Pour reconstituer les familles de l’époque moderne, les chercheurs, comme le généalogiste ou l’historien spécialiste de démographie, s’appuient en partie sur les registres paroissiaux. L’analyse de ces registres permet de découvrir les évènements sortants de l’ordinaire et mentionnés par les prêtres (les famines, maladies ou phénomènes climatiques). Ils permettent – bien sûr – de suivre une famille, à la fois dans le temps et dans l’espace. Surtout, les données des registres se prêtent à l’analyse sérielle, bien aidée aujourd’hui par les progrès de l’informatique.  

Les indices contenus dans les actes paroissiaux permettent aussi de trouver des éléments sur les professions, les lieux de vie ou les conditions sociales des parrains et marraines. C’est toute une société paysanne qui transparaît, avec ses réseaux villageois, ses liens de dépendance avec les puissants et ses drames familiaux. Il est cependant difficile d’aller au-delà, les documents anciens étant parfois lacunaires ou difficiles à déchiffrer.

La démographie sera utilisée dans sa dimension analytique. Nous n’avons pas pour but de présenter graphiques et tableaux statistiques, sauf dans les cas où notre propos s’y prêterait.

 

b) La situation géographique des Levacher.

La famille est restée dans un périmètre géographique relativement restreint, aux alentours de Valmont d’abord, puis dans les régions havraise et fécampoise ensuite. Valmont est alors sous l’influence de l’abbaye bénédictine, mais aussi de la famille noble d’Estouteville. Sur les cartes de Cassini, nous pouvons voir que Valmont est environné par plusieurs paroisses, dont nous retrouverons certaines dans l’histoire qui va suivre.

Carte de Cassini des alentours de Valmont. (Source : Géoportail, consultée le 17.02.2018)

Carte de Cassini des alentours de Valmont. (Source : Géoportail, consultée le 17.02.2018)

Les alentours de Valmont

Au nord : Angerville-la-Martel, au bord de la paroisse Roux-Mesnil de Valmont.

Au nord-est : Thérouldeville, Theuville-aux-Maillots, au bord de Saint-Ouen-au-Bosc.

A l’ouest : Le Bec-aux-Cauchois et Colleville.

A l’est : Gerponville et Riville.

Au sud : Thiétreville.

Au sud-ouest : Thiergeville.

 

Nous constatons que la famille est restée dans un même périmètre, mais aussi qu’elle se cantonne sur les bords du fleuve La Valmont et son affluent La Ganzeville. Un fleuve qui se jette dans la mer à Fécamp.

Après avoir présenté brièvement le contexte géographique, il semble intéressant de présenter rapidement la famille Levacher.

1. Le noyau familial au XVIIIe siècle.

 

Les origines de la famille Levacher sont mal connues. Si nous trouvons plusieurs branches de Levacher, il est impossible de les rattacher les unes aux autres. La famille vivait de la terre, que ce soit directement (agriculture) ou indirectement (meunerie, textile).

Sous l’Ancien Régime, la famille compte un peu moins d’une trentaine de porteurs du patronyme Levacher, parfois orthographié Le Vacher sur certains actes. Un seul individu s’appelle Vacher. Il s’agit du plus vieil ancêtre connu, René Vacher, père de Nicolas l’ancien. Pour faciliter la lecture, nous écrirons le patronyme sous sa forme actuelle de « Levacher ». Ces porteurs sont tous reliés par un lien familial, direct ou indirect. Nous n’incluons pas les Levacher pour lesquels un doute subsiste quant à leur alliance avec le noyau que nous allons présenter ici.  

Nous ne connaissons rien du couple René Levacher et Anne Ferrey (ou Ferry). Vers 1719, ils ont un fils prénommé Nicolas et surnommé plus tard l’ancien, sans doute pour ne pas le confondre avec son propre fils, prénommé aussi Nicolas. En 1741, au Bec-aux-Cauchois, Nicolas épouse Marguerite Acher. René et Anne sont mentionnés comme habitant alors à Thérouldeville. Deux ans plus tard, toujours au Bec-aux-Cauchois, Nicolas est témoin lors de l’inhumation d’une jeune fille, Marianne Levacher, âgée de 16 ans.

Nicolas et Marguerite ont eu 7 enfants, 14 petits-enfants et 18 arrière-petits-enfants (dont 4 nés au XVIIIe siècle). Si nous ajoutons les époux et les épouses nous avons un noyau familial qui s’établit à une cinquantaine d’individus. Marguerite Acher, décédée en janvier 1798, a pu avoir connaissance de la naissance de son premier arrière-petit-fils, Benjamin Levacher, survenue en juillet 1797 à Montivilliers.

Arbre généalogique des descendants de René Levacher et Anne Ferrey  (Source : données collectées dans les registres paroissiaux.)

Arbre généalogique des descendants de René Levacher et Anne Ferrey (Source : données collectées dans les registres paroissiaux.)

Les quelques éléments mentionnés sont ceux qui ne tiennent pas compte des autres pistes de recherche. Une famille homonyme pourrait très bien avoir un rapport avec notre noyau familial.

 

2. Une famille homonyme ?

 

Il n’existe pas beaucoup de Levacher – ou même Vacher – dans les actes paroissiaux de Seine-Maritime. Il y a toutefois une hypothèse, sérieuse, mais invérifiable en l’état, celle d’un lien de parenté avec une famille de Néville. Dans la mesure où les éléments en faveur du rattachement au noyau connu sont plus nombreux que l’inverse, nous avons décidé de la présenter ici. Voyons donc les faits avant de discuter de la validité de cette piste.

Nicolas l’ancien Levacher serait né le 22 mai 1719 au Mesnil Geffroy, un lieu-dit d’Ermenouville. Etant décédé en novembre 1780 à 61 ans, cela correspond. L’acte est toutefois difficilement lisible.

Acte de baptême de Nicolas Levacher au Mesnil Geffroy le 22 mai 1719  (Source : AD76, 4E 03211 - 1712 - 1729 - Le Mesnil-Geffroy)

Acte de baptême de Nicolas Levacher au Mesnil Geffroy le 22 mai 1719 (Source : AD76, 4E 03211 - 1712 - 1729 - Le Mesnil-Geffroy)

Transcription modernisée de l’acte :
« Ce jourd’hui 22e de mai 1719 a été baptisé [un garçon], né du légitime mariage de René Le Vacher et d’Anne Ferrè ses père et mère, lequel a été nommé Nicolas par Nicolas Boulet et Catherine Roquigny ses parrain et marraine, ce qu’ils ont signé. Il a été baptisé par monsieur [?] chapelain demeurant à Ermenouville. »

AD76, 4E 03211 - 1712 - 1729 - Le Mesnil-Geffroy)

Nicolas aurait plusieurs frère et sœur : René, baptisé le 18 février 1705 à Néville, Marie Anne, baptisée dans la même paroisse le 15 mai 1711 et Antoine, toujours baptisé à Néville le 5 juillet 1715.

 

Arbre de descendance hypothétique de René Levacher et Anne Ferrey  (Source : données collectées dans les registres paroissiaux.)

Arbre de descendance hypothétique de René Levacher et Anne Ferrey (Source : données collectées dans les registres paroissiaux.)

Le 21 avril 1721, au Mesnil Geffroy, est inhumé le père de Nicolas, René, décédé à l’âge d’environ 52 ans. Un Adrien Levacher et un Simon Blondel sont déclarés comme témoins (avec apposition de leur marque). Anne Ferrey décède quant à elle le 14 décembre 1738 à Cany (aujourd’hui Cany-Barville). D’ailleurs, c’est à Cany, le 20 juillet 1734, qu’un René Levacher, fils de feu René et de Anne Ferr(e)y, épouse une Anne Thomas. Dès l’année suivante, un René Levacher, veuf, toujours à Cany, épouse le 20 juillet Madeleine Requier. Dans les signatures et les marques, au bas de l’acte, nous trouvons un Adrien et un Nicolas Levacher. Sur un autre acte, présence d’un Jean Levacher.

Acte de mariage de René Levacher et Madeleine Requier.  (Source :AD76, 4E 03107 - 1735 - 1740 - Cany)

Acte de mariage de René Levacher et Madeleine Requier. (Source :AD76, 4E 03107 - 1735 - 1740 - Cany)

Toujours à Cany, le 12 novembre 1736, nous trouvons la trace du décès de René Levacher . Après ce débroussaillage, arrêtons-nous là. Si nous ne poussons pas les recherches plus en profondeur, notamment dans les registres paroissiaux de Néville, c’est uniquement parce qu’une personne s’en est chargée pour nous. Mais voyons cela un peu plus loin. En attentat, récapitulons les éléments principaux que nous avons déjà :

  • La date de naissance de Nicolas concorde avec son âge estimé au décès.
  • Le nom des parents est identique, même s’ils sont décédés avant le mariage de Nicolas en 1741.
  • Le Nicolas né au Mesnil Geffroy a une sœur prénommée Marie Anne, née en 1711, ce qui fait penser à la Marianne Levacher décédée au Bec-aux-Cauchois en 1743. Toutefois, le prêtre estime son âge à 16 ans, ce qui ne correspond pas avec la date de baptême de Marie Anne.

Pour en savoir davantage, nous avons pu correspondre sur le site Geneanet avec une généalogiste amateure, Michèle Ledieu, qui est aussi une cousine généalogique. Elle descend de Jean Baptiste Levacher (1752-1823), fils de Nicolas et Marguerite Acher. Ses recherches, en ligne sur Geneanet, confirment l’hypothèse que nous venons de présenter. Michèle Ledieu va même plus loin, en parvenant à remonter une génération supplémentaire. Nous présentons ses découvertes sous forme d’un tableau, ci-dessous.

Tableau de descendance d'Anthoine Levacher et Magdeleine Verel.  (Sources : données de l'arbre en ligne de Michèle Ledieu sur Geneanet. Cf. https://gw.geneanet.org/mimiledieu [consulté le 5 février 2018]).

Tableau de descendance d'Anthoine Levacher et Magdeleine Verel. (Sources : données de l'arbre en ligne de Michèle Ledieu sur Geneanet. Cf. https://gw.geneanet.org/mimiledieu [consulté le 5 février 2018]).

Dans un message du 5 février 2018, reçu sur Geneanet, Michèle Ledieu nous donne ses arguments en faveur de l’hypothèse que nous venons de présenter.

Après de nombreuses années [de recherches], c'est la seule piste sérieuse car, s’il y a de nombreux Nicolas Levacher, le prénom de René, de plus marié à Anne Ferry, ou Ferrey... est rare.
Les actes de la paroisse du Bec-aux-Cauchois sont un peu légers. L'acte de décès de Marianne Vacher ne porte pas l'indication de ses parents, seul figure Nicolas Levacher en qualité de témoin. C'est pourquoi je pensais qu'elle pouvait être sa sœur mais née vers 1727 ! pourtant elle rentre dans la famille.
C'est vrai qu'à son mariage en 1741 il n'y avait aucun témoin de son côté. Pourtant je pense que les noms et les dates matchent bien et qu'il est bien lié à cette famille de Cany. Une brouille de famille ?

Message de Michèle Ledieu sur Geneanet, le 5 février 2018

En acceptant ses arguments cela augmente considérablement le nombre des Levacher et ramène les origines géographiques aux alentours de Saint-Valery-en-Caux et de Cany, ce qui est très probable. En effet, les descendants de Nicolas et Marguerite Acher qui nous concernent plus directement vont s’établir d’abord à Criquebeuf-en-Caux et Yport, puis venir s’installer à Saint-Valery-en-Caux, avant de repartir à Fécamp.

Carte de répartition des actes paroissiaux concernant la famille Levacher de la fin du XVIIe au début du XVIIIe siècle, réalisée d'après les données de Michèle Ledieu.  (Source : Géoportail, carte de Cassini)

Carte de répartition des actes paroissiaux concernant la famille Levacher de la fin du XVIIe au début du XVIIIe siècle, réalisée d'après les données de Michèle Ledieu. (Source : Géoportail, carte de Cassini)

Conclusion

 

Pour résumer, il faut privilégier la prudence en pareil cas, sans faire d’affirmations qui ne repose pas sur des éléments solides. Dès lors, si l’hypothèse évoquée présente des arguments sérieux en faveur de sa fiabilité, les contradictions des actes ne peuvent permettre sa validation définitive.

En effet, le prêtre du Bec-aux-Cauchois, sur l’acte de mariage de 1741, mentionne que les parents de Nicolas demeurent à Thérouldeville. En partant du principe qu’ils sont déjà décédés, cela signifie qu’il s’agit du dernier village fréquenté. Or, René décède au Mesnil Geffroy et Anne à Cany. Le curé a pu faire des erreurs, mais là elles seraient nombreuses et répétitives. Après, comme il ne connait pas les parents de la Marianne décédée en 1743, cela veut-il dire qu’il est négligent ? Que ses proches ne connaissent pas les parents ? Une brouille familiale qui aurait poussé Nicolas à partir de la région de Cany ?

L’hypothèse que nous venons de décrire ne répond donc pas à toutes nos interrogations. 

Rédigé par Simon Levacher

Publié dans #côté paternel, #méthodologie

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