Mes ancêtres et la Grande Guerre (2ème partie)

Publié le 4 Juillet 2018

Après la partie sur mes ancêtres et la Grande Guerre du côté maternel (article publié en mai 2016), voici le côté paternel. Depuis ce premier article, j'ai pu approfondir mes recherches. J'ai connaissance de plus de participants à la guerre que du côté maternel. Mon choix est de parler principalement de mon ancêtre, c'est-à-dire mon arrière-arrière grand-père, Louis Pascal Levacher (1877-1949), ainsi que de ses frères. Je parlerais aussi de la famille Thomas. Le fils de Louis Pascal, Louis Joseph (1911-1988), s'est marié à Denise Thomas (1913-2003). Le père et l'oncle de Denise ont aussi participé à la guerre. Il en va de même pour certains Quenel, du côté de la mère de Denise. 

1. Côté Levacher.

Les Levacher qui sont en âge de partir à la guerre, ce sont les enfants de Pierre Modeste (1830-1899) et Rosalie Fontaine (1841-1904).

Enfants de Louis Pascal Levacher et Rosalie Fontaine (source : arbre généré sur Geneanet).

Enfants de Louis Pascal Levacher et Rosalie Fontaine (source : arbre généré sur Geneanet).

a) Les frères.

Le premier frère de Louis Pascal, Jules Marin (1870-1935), lors de son service militaire, qui débute en novembre 1891, est affecté au 3e régiment de cuirassiers. Un régiment très ancien, créé au XVIIe siècle. Il ne sera dissout qu’en 1998. Une longévité assez exceptionnelle pour cette unité de cavalerie, devenue par la suite une unité de blindée.

Bon élément, c’est le seul de la fratrie à monter légèrement dans la hiérarchie militaire. Il est nommé brigadier en septembre 1893, puis brigadier prévôt d’armes en octobre de la même année. La tradition familiale souligne d'ailleurs qu'il était excellent escrimeur.

Dans la réserve, il est reversé au 11e régiment d’artillerie divisionnaire. Jules est finalement versé au service auxiliaire de l’armée territoriale par la commission de réforme du Havre le 18 septembre 1907 pour « rétraction de l’annulaire et de l’auriculaire droits ».

En août 1914, malgré ses 44 ans, il aurait pu être reversé dans l’armée active. En fait, il ne sera jamais appelé durant la guerre.

Un autre frère, Prosper Modeste (1879-1962), étant le cadet, il va s’engager volontairement dans l’armée sur demande de sa tante, la veuve Tougard. Le but est de permettre à son frère Louis, futur héritier de l’entreprise, de ne pas faire de service militaire actif. En échange, sa tante lui cède une maison route du Phare à Fécamp.

Engagé volontaire pour 4 ans, il est incorporé au 1er bataillon d'artillerie à pied. Il devient 2e canonnier servant le 16 juillet 1898. Il est versé dans la réserve en février 1902.

Il participe à la Grande Guerre dans le 2e régiment d'artillerie à pied du 6 août 1914 au 9 janvier 1916 puis passe au 116e régiment d'artillerie lourde. Il est réformé le 2 mars 1917 pour raisons médicales. Il est atteint d’une déformation des genoux par arthropathie, de paraplégie et d’endocardite. La tradition familiale évoque le fait qu’il aurait aussi été gazé.

Ces problèmes de santé ne l’empêcheront pas de continuer à travailler pour le compte de son frère, Louis Pascal, puis de son neveu Louis Joseph.

b) Louis Pascal (1877-1949)

Louis Pascal épouse Marguerite Grivel en 1904, au Havre. En 1911, Marguerite Grivel et Louis Pascal Levacher ont un fils, Louis Joseph Prosper.

Louis Pascal, pour célébrer la naissance de son fils, commande un bateau à son beau-frère, Florimond Grivel, constructeur naval au Havre. Ce petit bateau, achevé en 1913, a été baptisé Petit Louis.

Photographie du "Petit Louis" le jour de de la mise à l'eau au Havre, bassin du Commerce. (Source : Fonds Levacher)

Photographie du "Petit Louis" le jour de de la mise à l'eau au Havre, bassin du Commerce. (Source : Fonds Levacher)

Sur le pont, au-dessus du F. 119, avec le chapeau melon, nous apercevons Louis Pascal Levacher, l’armateur. Les chantiers de Florimond Grivel se trouvaient rue Emile Zola.

Ces investissements économiques sont brisés net par le déclenchement de la Première Guerre mondiale. En août 1914, Louis Pascal est en effet mobilisé et doit partir au front.

Jusqu’au 28 juin 1915, il appartient au 24e régiment d’infanterie territoriale et reste cantonné dans la région havraise, commandé par le lieutenant-colonel Derrive. Les soldats sont entraînés, et le commandement organise la défense du front de terre de la Place du Havre. Les soldats assurent aussi des missions de service d’ordre.

Par la suite, du 29 juin au 14 août 1915, Louis Pascal est envoyé dans la Somme. Il entre dans le vif du sujet, avec service aux tranchées, travaux de défense, entretien des routes, travaux d'hygiène dans les cantonnements et manutention de munitions et explosifs. A partir du 15 août jusqu’au 19 octobre 1915, il effectue les mêmes missions en Champagne. Par la suite, à compter du 20 octobre 1915 et au moins jusqu’au 4 février 1916, il est en Haute-Saône, avec cantonnement et travaux d'entretien pour la création d'un camp d'aviation. Du 5 au 28 février 1916, il est cantonné au camp d'Arches. Le 28 février il arrive sur le front de Verdun et y restera jusqu’au 30 juin 1916[1].

Après Verdun, Louis Pascal intègre le 20e escadron du train des équipages militaires, comme chauffeur de camion. Il est sans doute affecté à Versailles dans le parc automobile français le plus important de la guerre (plus de 1 000 unités). Malheureusement, les escadrons du train des équipages sont difficiles à suivre, car les affectations dépendent des besoins sur le front. Ainsi, celles de Louis sont diverses et individuelles et donc impossible à déterminer. Ce qui est sûr, c’est qu’il a fait la campagne d’Orient. Il se trouve à Salonique en septembre 1917.

Photographie prise à Salonique le 7 septembre 1917. Louis Pascal est à droite. (Source : Fonds Levacher)

Le 1er octobre 1917, après l’Orient, Louis Pascal est versé dans le 15e régiment du train des équipages. Il s’agit d’un service restreint puisqu'il obtient un sursis d'appel pour la pêche aux harengs entre le 1er novembre 1917 et le 19 février 1918. Par ailleurs, affectations et cantonnements inconnus. Il retrouve ensuite le 20e escadron du train des équipages jusqu’à la fin de la guerre. Peut-être repart-il en Orient, car une partie de l’escadron y est affectée…

Pendant son absence, Louis Pascal a pu compter sur son épouse et sur Paul Médrinal, son commis. Ils ont su maintenir l’activité a un très bon niveau. Nous n’avons qu’un seul document – une lettre de change – attestant d’une activité économique de l’entreprise pendant la guerre.

Lettre de change de 1917 des salaisons et marée fraîche de Louis Levacher. (Source : Fonds Levacher)

Lettre de change de 1917 des salaisons et marée fraîche de Louis Levacher. (Source : Fonds Levacher)

2. Côté Thomas.

Le fils de Louis Pascal, Louis Joseph, va épouser Denise Thomas en 1932. Son père et son oncle ont participé à la Grande Guerre.

La famille Thomas est originaire de Saint-Valery-en-Caux, Harcanville et surtout Doudeville. Le plus vieil ancêtre de Denise, porteur du nom Thomas, est Pierre, décédé le 13 janvier 1754 à Doudeville. Pierre s’était marié dans ce même village avec Catherine Lechevalier le 12 juin 1717. Malheureusement, l’acte de mariage n’est pas filiatif.

Denise Florestine Rose Thomas est née en 1913 d’Alphonse Louis Joseph (1884-1945) et d’Alice Henriette Quesnel (1886-1970). Elle a un frère aîné, Alphonse Jules, né en 1910.

Famille Thomas en 1915 (source : Fonds Levacher).

Le père de Denise, Alphonse Louis Thomas, avait 29 ans au moment du déclenchement de la Première Guerre mondiale. D’abord réformé, sans qu’il n’y ait de raisons invoquées, il est ensuite incorporé dans l’artillerie lourde au sein du 103e régiment, entre mai et juillet 1917. Ensuite, jusqu’en octobre, il est détaché comme ouvrier dans les Établissements Brainville, en région havraise. Le 25 octobre 1917 il intègre le 129e régiment d’infanterie au sein duquel il finit la guerre.

Le frère d'Alphonse Louis, Georges (1890-1977), était chauffeur-ajusteur avant la guerre. Il a été versé dans les chasseurs légers, avant d’être affecté au 2e groupe d’aviation le 7 mars 1916. Il a été ouvrier de l’aéronautique, sans doute dans le domaine qu’il maîtrisait, c’est-à-dire l’ajustage. L’ajusteur était celui qui avait pour mission d’ajuster entres elles des pièces mécaniques. Sans doute assemblait-il des avions ou des parties d’avions.

Journée de tranchée, photographie prise le 22 février 1915, peut-être par Georges Thomas lui-même. (Source : Fonds Levacher)

Journée de tranchée, photographie prise le 22 février 1915, peut-être par Georges Thomas lui-même. (Source : Fonds Levacher)

3. Côté Que(s)nel.

Revenons à Denise, la fille d’Alphonse Louis. Il apparaît qu’elle n’a pas connu ses grand-parents, ou très peu. Côté maternel, son grand-père Jules Quesnel est décédé à l’hôpital de Fécamp en avril 1913.

La famille Quesnel est très nombreuse et son étude détaillée demanderait des heures de travail. Prenons un exemple explicite. Alice, la mère de Denise, avait huit frères et sœurs. Son frère Eugène a eu lui-même quatorze enfants. Elle avait neuf oncles et tantes côté paternel et six côté maternel. Les grands-parents de Jules, Frédéric Léon Quesnel (1809-1875), dit Léon Quesnel, et Rose Armante Grèverie (1806-1881), ont eu dix enfants et trente-huit petits-enfants.

Un fils de Jules, donc aussi un oncle de Denise Thomas, a participé à la guerre. Il s'agit de Paul Victor (1876-?). Avant guerre, il a été tanneur, trasseur et domestique.  Il est brun, yeux bleus et mesure 1m60. En 1900, il épouse Alphonsine Hébert. Ils ont eu deux enfants : Julienne, en 1909, de qui Denise était très proche, et Paul, né en 1913. C'est le seul participant à la Grande Guerre pour qui je possède une photographie et une carte postale écrite pendant la guerre. En effet, il a fait faire une carte postale dont l'image est son portrait. 

Portrait de Victor Quenel en 1916 (source : Fonds Levacher)

 

Carte postale du 27 août 1916 (source : Fonds Levacher).

Carte postale du 27 août 1916 (source : Fonds Levacher).

Il participe à la Grande Guerre comme infirmier. Il obtient la médaille interalliée de la victoire.

Ce sont surtout les enfants du frère aîné de Jules, Frédéric Léon (1830-1907) et son épouse Rose Zuline Hamel (1839-1922), qui vont le plus pâtir de la guerre. Frédéric et Rose ont eu 13 enfants, dont 7 garçons. Sur les 7 garçons, 3 vont être tués.

Le premier, c'est Victor Eugène (1873-1916), qui était journalier avant la guerre. Il était châtain, yeux bleus et mesurait 1m60. Il est appelé au service militaire en 1893. Pendant la guerre, il est clairon, affecté au 55e régiment d'infanterie territoriale. Il compte parmi les naufragés du transport de troupe Gallia.

Le deuxième est Ernest Albert (1879-1915). Il est brun, yeux marrons et mesure 1m61. Il est appelé à faire son service militaire en 1899. Pendant la guerre, il est soldat de 2e classe, affecté au 129e régiment d'infanterie. En mars 1915, il est tué au combat de Carnoy dans le cadre de la bataille de la Somme. Il a une tombe individuelle dans la nécropole nationale d'Albert (tombe 1183).

Enfin, le troisième et dernier frère, Charles François (1881-1915). Il était employé de scierie avant la guerre. Il était châtain foncé, yeux bleus et mesurait 1m67. Il est affecté au 129e régiment d'infanterie. Il est déclaré disparu à Neuville Saint-Vaast (Pas-de-Calais) en juin 1915. Pourtant, il a une tombe individuelle dans la nécropole nationale La Targette (carré 14, rang 6, tombe 3421).

Conclusion générale

Rien ne vaut une infographie pour résumer l'impact de la Grande Guerre dans ma famille, côtés maternel et paternel confondus.

Infographie sur l'impact de la Grande Guerre dans mon arbre (source : réalisée avec Piktochart)

Infographie sur l'impact de la Grande Guerre dans mon arbre (source : réalisée avec Piktochart)

Notes


[1] Historique du 24e RIT (anonyme, sans nom d'éditeur, 1920), numérisé par Thomas Piéplu.

Rédigé par Simon Levacher

Publié dans #côté paternel

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